Au coin du bois (Gaston Couté)
La route est déserte aux nuits de Saint Jean...
Le bon métayer venait de la foire :
J'entendais chanter les écus d'argent
Qui dansaient au fond de ses poches noires.
Et je l'ai détroussé d'un geste, au coin du bois
Où j'ai vu promener des filles, une fois...
Holà ! bon métayer que j'ai volé !
Deux mots, en se quittant, pour te consoler !
On m'a volé... moi !
Et bien avant toi !
Au coin du bois...
C'était une fois au beau temps de mai...
Les filles allaient cueillir l'aubépine
Et mon coeur dansait et mon coeur chantait
Comme un sac d'écus dessous sa poitrine.
Des doigts étaient plus blancs que d'autres en les fleurs
Et c'est entre ceux-là que j'ai laissé mon coeur.
Car l'Amour n'est pas pour les va-nu-pieds...
(Tu fis ta bourgeoise avec ma jolie ! )
Mais les va-nu-pieds n'ont pas de pitié
Pour le métayer tremblant qui supplie.
Elle avait des doigts blancs et toi de clairs écus !
Moi j'ai des poings de fer et puis n'en parlons plus !
Hélas, bon métayer que j'ai volé
Deux mots, encor deux mots, pour te consoler !
Je suis volé... moi !
Et bien plus que toi !
Au coin du bois.